jeudi 5 mai 2011

Les produits chimiques dans le collimateur


Les députés viennent de voter l’interdiction de substances réputées toxiques mais encore présentes dans un grand nombre de produits très courants.



Un véritable électrochoc pour les industriels. Une première victoire pour les chercheurs, et pour tous ceux qui, depuis des années, multiplient les alertes contre des substances, réputées ou avérées toxiques. A la surprise générale, les députés viennent de voter l’interdiction de fabriquer et commercialiser tout ce qui contient des phtalates, des parabènes ou des alkyphénols. « Ces substances suscitent aujourd’hui des interrogations quand à leurs effets sur notre organisme notamment comme perturbateurs du système endocrinien », a souligné le député du Gard, Yvan Lachaud, rapporteur du texte. Si les sénateurs votent ce texte, l’interdiction deviendra effective. Autant dire qu’un intense lobbying va se jouer en coulisse.

Car ces toxiques sont partout. Parfums, peintures, cosmétiques, détergents, moquettes, plastiques…. De nombreuses études scientifiques ont démontré que ces perturbateurs endocriniens agissent sur le système hormonal. Ils auraient également une incidence sur l’accroissement des tumeurs du sein et la baisse de fertilité chez l’homme. « Ces produits chimiques sont de plus en plus associés au développement de certains cancers, du diabète et de maladies cardiovasculaires, ainsi qu’au risque de surpoids, et cela dès le plus jeune âge », affirme le Dr Chevallier, médecin et membre du Réseau environnement santé.

Produits de consommation courante

Trois familles de substances chimiques sont sur la sellette. Les phtalates, utilisés pour assouplir le plastique, entrent dans la composition d’emballages, de peinture, vernis à ongles, parfums… Mais également dans certains équipements médicaux en PVC (objets en plastique, peintures, cathéters, poches de transfusion…). Certains de ces produits avaient d’ailleurs d’ores et déjà été interdits, en particulier dans les jouets. Les parabènes, souvent présents dans les cosmétiques et l’alimentaire, sont utilisés comme conservateurs (conserves, shampoings, déodorants…). Les alkyphénols, eux, se trouvent dans les produits de nettoyage (lessives, détergents…), en tant qu’émulsifiant.

Les industriels s’alarment

On s’en doute, les industriels s’alarment « d’une interdiction générale et inadaptée ». Ils réclament l’abandon du texte qu’ils jugent « fondé sur une interprétation abusive du principe de précaution ». Pourtant, en juin 2010, les sénateurs avaient été à l’origine de la loi interdisant la commercialisation des biberons contenant du bisphénol A. Pour le Dr Laurent Chevallier, un changement de mentalités de la part des industriels s’impose. « Il est essentiel d’“écologiser” la société pour améliorer la santé des citoyens, comme le dit si bien la secrétaire d’Etat chargée de l’Ecologie, Nathalie Kosciusko-Morizet. Les industriels doivent se donner les moyens d’agir en proposant des échéances plutôt que d’ignorer l’évidence scientifique. On l’a bien vu en janvier dernier, en l’espace de quelques semaines, tous les biberons contenant du bisphénol A ont disparu des rayons », rappelle-t-il.

Des recommandations prévues en 2012

L’agence nationale de sécurité sanitaire (Anses), qui doit rendre une étude en 2012 sur les dangers liés à 50 perturbateurs endocriniens, juge pour sa part cette proposition de loi pour le moins « prématurée ». « Les substituts qui peuvent être utilisés dans l’urgence peuvent se révéler aussi dangereux, voire beaucoup plus risqués que ceux auxquels ils se sont substitués », craint Dominique Gombert, directeur de l’évaluation du risque à l’Anses. En attendant, des fabricants ont déjà commencé à proposer aux consommateurs des produits portant la mention « sans parabènes ». ou « sans phtalates ».

“Le plus inquiétant, c’est l’effet cocktail”

Des études scientifiques ont identifié près de 350 molécules toxiques dans le cordon ombilical d’un fœtus. Difficile aujourd’hui d’échapper à cette multitude de produits chimiques qui sont présents dans notre environnement quotidien. « Quand on achète un matelas, repeint une chambre, change de moquette ou tout simplement lorsqu’on nettoie une surface, on diffuse des contaminants dans la maison, indique le Pr Jean-François Narbonne, expert européen et professeur de toxicologie à l’université de Bordeaux. Leurs effets sur la santé dépendent du type de polluant, de sa concentration, de la durée d’exposition et de la sensibilité de chacun. Mais la véritable difficulté est d’évaluer les effets de ces substances multiples dans le sang, à faibles doses certes, mais en cocktail. » La réglementation européenne Reach (enregistrement, évaluation et autorisation des produits chimiques) vise à supprimer les subtances les plus toxiques. A l’heure actuelle, près de 150.000 produits sont en cours d’évaluation.

5 gestes simples pour limiter les risques

Pour le Réseau environnement santé (RES), ces gestes du quotidien offrent une protection supplémentaire face à la présence au quotidien de ces perturbateurs endocriniens.

Eviter les conserves Elles contiennent des parabènes qui sont utilisés comme conservateur. Privilégiez donc les produits frais !

Stocker dans des récipients en verre ou en Inox Les aliments et les boissons stockés dans du plastique absorbent les substances du plastique tout particulièrement s’ils sont gras ou acides.

Mention « sans parabènes » Cette indication est présente sur certains produits, notamment des shampoings.

Cosmétiques labellisés « naturels » Ces produits de beauté sont les seuls à ne contenir aucune substance chimique du type phtalates ou parabènes.

Ne pas porter un vêtement neuf Les alkyphénols sont utilisés comme additifs dans le textile. La plupart de ces substances disparaissent lors du premier lavage. Idem pour la moquette.



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