samedi 21 mai 2011
Les mystérieux bienfaits de la musique
«À quoi bon fréquenter Platon, quand un saxophone peut aussi bien nous faire entrevoir un autre monde ? » L’interpellation provocante lancée par Cioran nous en dit long sur le pouvoir de la musique et les émotions qu’elle suggère. Mais de quelles émotions parlons-nous ? Deux chercheurs de l’université de Genève, en Suisse, ont planché durant huit ans sur cette question. Les professeurs de psychologie Klaus Scherer et Marcel Zentner ont demandé à des centaines de mélomanes de décrire les émotions qu’ils ressentaient lorsqu’ils écoutaient leur répertoire favori. Leur enquête a permis d’en répertorier neuf : l’émerveillement, la puissance, la nostalgie, la transcendance, le calme, la joie, la tendresse, la tristesse et l’agitation. À l’inverse, la culpabilité, la honte ou le dégoût ne sont pas évoquées.
Elle stimule les zones du plaisir
« La musique est chez moi comme un double, raconte Jérémy, 30 ans. Elle m’accompagne tout le temps. Certains morceaux me rendent particulièrement enthousiaste, comme Wouldn’t It Be Nice des Beach Boys, qui me donne envie de sauter chaque fois que je l’écoute. » Certaines mélodies, rythmiques, voix, harmonies… aident en effet à supporter toutes sortes d’épreuves au quotidien. « J’ai souvent des réveils difficiles, confie Nadya, 24 ans. Mais si je met What a Wonderful World de Louis Armstrong, très vite mon humeur change et j’entame la journée avec légèreté. » De douces sonorités susurrées à l’oreille et, peu à peu, notre corps se détend, notre esprit s’ouvre, comme ventilé par cet air enveloppant.
« Nous projetons nos tensions désagréables dans la mélodie au lieu de nous en vouloir ou d’en vouloir aux autres », explique Édith Lecourt, psychanalyste et musicothérapeute. Qui dit avoir en elle une « musique intérieure, tantôt mélodique, tantôt rythmique », lui permettant de ne jamais être complètement absorbée par une situation stressante. La musique stimule nos sensations les plus agréables, un peu comme lors d’un échange amoureux. D’ailleurs, qui n’a pas fait l’amour sur des harmonies douces, ces vagues « sismiques et sensuelles » évoquées par Alain Bashung dans sa chanson Madame rêve ? Loin de s’annuler, les plaisirs se conjuguent. L’explication : une étude (3) menée par des chercheurs de l’université canadienne McGill, à Montréal, a montré que la musique activait dans le cerveau les « centres de récompense » généralement associés aux plaisirs de la bouche et du sexe.
Elle scénarise nos peines
La musique accompagne aussi nos moments moins heureux. « Étrangement, ce ne sont pas les morceaux joyeux que j’écoute lorsque je suis d’humeur mélancolique, poursuit Jérémy. Tout se passe comme s’il me fallait combattre le mal par le mal. J’écoute alors une chanson merveilleusement triste comme I Am a Bird Now d’Antony and The Johnsons. » Réaction humaine et pas aussi masochiste qu’elle en a l’air, au contraire : « Écouter des airs mélancoliques dans ses moments de tristesse, c’est aiguiser, entretenir et scénariser sa propre douleur, avance le psychanalyste Didier Lauru (4). Avec une musique pour l’accompagner, la souffrance ne tourne plus en circuit fermé. Elle trouve un écho et, par cette communion, s’en trouve soulagée. »
Elle nous rend intelligents
« La vie sans musique est tout simplement une erreur, une fatigue, un exil », écrivait Nietzsche. Muse et inspiratrice, elle accompagne nombre de créateurs ou de chercheurs. « Elle correspond à une forme de pensée différente, une respiration, observe Édith Lecourt. C’est souvent en écoutant de la musique que je trouve de nouvelles idées pour mes recherches. » Au cours d’une étude, le psychologue et musicothérapeute Alfred Tomatis a observé que ses étudiants avaient amélioré leurs scores de neuf points à un test de quotient intellectuel après avoir écouté, pendant dix minutes, la Sonate pour deux pianos en ré majeur K 448 de Mozart. La musique rend-elle plus intelligent ? Une chose est sûre : elle correspond à un éveil, elle ouvre un espace où les émotions ressenties sont susceptibles d’élargir notre champ de pensée. « La musique est infinie, elle est le langage de l’âme », soulignait le chef d’orchestre allemand Otto Klemperer (1885-1973).
Elle nous protège des autres
Elle permet de s’évader, parfois jusqu’à l’isolement. Il suffit, pour s’en rendre compte, d’une virée en métro, où les écouteurs s’accrochent à presque toutes les oreilles. « Si les gens écoutent de plus en plus de musique en ville, c’est non seulement parce qu’ils ne veulent pas s’ennuyer, se sentir “vides”, mais aussi parce qu’ils ne veulent pas être ennuyés par les autres », remarque Didier Lauru. La musique provoquerait-elle le repli sur soi, au risque de la désocialisation ? Non, répond le psychanalyste, « ce comportement est une conséquence du manque de lien social, et non une cause ». La musique n’est jamais une faiblesse, mais bel et bien une force qui nous est offerte, pourvu que nous en modulions les décibels et qu’elle corresponde à notre sensibilité.
Elle nous plonge dans l’inconscient
Elle pénètre parfois plus profondément encore, jusqu’au champ de l’inconscient. « Elle me plonge souvent dans un état de rêve éveillé, raconte Guillaume. Alors que j’étais un jour devant mon ordinateur, j’ai entendu un morceau de Mouse on Mars [groupe électro allemand, ndlr]. Cela a provoqué en moi un véritable flash-back : je me suis revu dans une cour de récréation en Allemagne dans un état de bien-être profond. J’ai 36 ans et je n’avais plus ressenti cette sensation depuis mon enfance. » « La musique peut agir comme une madeleine de Proust, rappelle Didier Lauru. Elle peut nous renvoyer à certaines harmonies entendues pendant l’enfance et nous projeter aussitôt dans l’état d’esprit dans lequel nous étions alors. Parce que nos émotions s’arriment à des mélodies, définitivement et souvent à notre insu. Rares sont les arts qui permettent une telle plongée dans l’inconscient. » Celui-là mériterait même, selon l’écrivain Paul Carvel, d’« être la seconde langue obligatoire dans toutes les écoles du monde (6) ». La musique est cette possibilité précieuse que nous négligeons trop souvent, alors qu’elle nous permet de vivre profondément nos émotions, dont celles que nous refoulons dans la vie sociale.
Pourquoi certains n’en écoutent jamais ?
De la musique pour les uns, du bruit pour d’autres. Pourquoi certaines personnes sont-elles « amusicales » ? Elles ne perçoivent pas les différences de hauteur tonale dans la musique. Elles ne sont donc pas en mesure de chanter dans le ton, danser sur de la musique, mémoriser une mélodie, distinguer des fausses notes. Étonnamment, elles possèdent des capacités cognitives absolument normales, et leurs capacités auditives et langagières sont intactes. Les études du cerveau par imagerie à résonance magnétique n’ont pas révélé, chez ces personnes, de différences anatomiques qui seraient en cause. Ce qui fait dire à nombre de musicothérapeutes que l’« amusicalité » est une illusion. Tout le monde serait sensible à la musique. Seulement, parce qu’ils n’ont jamais entendu une musique qui faisait sens pour eux, ou parce qu’ils associent la musique à un souvenir traumatique, certains pensent ne pas y être sensibles, alors qu’il leur suffirait de chercher et trouver celle qui leur convienne.
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Les mystérieux bienfaits de la musique
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