mardi 24 mai 2011
Le très ambitieux programme de la France pour protéger la biodiversité
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Nathalie Kosciusko-Morizet vient de présenter la Stratégie nationale pour la biodiversité 2011-2020 et les engagements de la France pour la période 2011-2013. Un programme très ambitieux à la mesure des enjeux.
La préservation de la biodiversité est un enjeu fondamental non seulement en termes écologiques et environnementaux mais aussi économiques. La biodiversité conditionne en effet la qualité de l'air, la production de notre nourriture, la formation des combustibles, la qualité de l'eau douce et participe aussi à la production des principes actifs qui vont servir à fabriquer de très nombreux médicaments. Par ailleurs, ne pas préserver la biodiversité engendrerait, selon Nathalie Kosciusko-Morizet, un coût équivalent à 7% du PIB mondial à l'horizon 2050.
" Grâce à la conférence de Nagoya, la France a déjà commencé à prendre la mesure de cette menace qui, au même titre que le changement climatique, pèse aujourd'hui sur nos modèles de développement. A l'instar du climat, nous allons désormais prendre en compte la biodiversité dans les politiques internationales, nationales et locales " vient de déclarer notre Ministre de l'Ecologie en présentant sa stratégie nationale pour la biodiversité et qui engage la France jusqu'en 2020
Dans le cadre de cette stratégie l'État va réaliser les actions suivantes.
1- Restauration de milieux naturels et de continuités écologiques
L'essentiel des mesures prises à ce jour en faveur de la diversité biologique porte sur la préservation des milieux naturels et la protection des espèces menacées. Mais cela ne suffit évidemment pas. L'État s'engage donc à mettre en oeuvre des incitations pour une reconquête d'un niveau plus élevé de la biodiversité et pour une amélioration de la fonctionnalité des écosystèmes.
Cet engagement se traduit par la mise en place dès 2011 de plusieurs appels à projets ouverts aux collectivités, établissements publics et assimilés, entreprises et associations, et pouvant associer les collectivités régionales ou départementales qui le souhaiteraient.
Ces projets portent sur :
- le rétablissement de continuités écologiques sur des infrastructures de transport existantes ;
- la restauration de sites dégradés, remarquables ou fragiles : sites Natura 2000, milieux aquatiques, zones humides et, pour l'outre-mer, habitats d'espèces protégées ;
- le renforcement des infrastructures agro-écologiques ;
- l' élaboration de trames vertes et bleues urbaines et valorisation de friches industrielles et portuaires (en lien avec le plan d'actions " Restaurer et valoriser la nature en ville ") ;
- et la lutte contre les espèces exotiques envahissantes terrestres et marines dans les départements et collectivités d'outre-mer.
2- Intégration de la biodiversité dans des politiques sectorielles
Certaines activités ont un impact particulièrement important sur la biodiversité. Un des objectifs de la Stratégie nationale pour la biodiversité est d'éviter leurs impacts négatifs, de réduire les pressions existantes, de compenser les conséquences inévitables de certaines activités et d'en renforcer les impacts positifs.
L'État a donc décidé de favoriser l'intégration des enjeux de la biodiversité dans les politiques sectorielles et d'améliorer la contribution de celles-ci à la préservation de la diversité biologique. Pour cela, il s'engage à :
- lancer en 2011 un appel à projets pour l'expérimentation d'Unités d'exploitation et de gestion concertées des pêcheries (UEGC) dans trois à six secteurs et généraliser les contrats bleus ;
- rédiger d'ici la fin de l'année un projet de texte législatif permettant la mise en place de réserves halieutiques et promouvoir un régime de préservation et de gestion durable de la biodiversité en haute mer, dans le cadre de la Convention des Nations unies sur le droit de la mer ;
- améliorer la prise en compte de la biodiversité dans les équipements et manifestations sportifs, en particulier en conditionnant les aides publiques ;
- préserver la biodiversité des sites naturels du Ministère de la Défense, en s'assurant notamment qu'au minimum un contrat Natura 2000 soit signé sur chaque site éligible ;
- développer et soutenir la mise en oeuvre des actions prenant en compte la biodiversité dans les chartes de territoire, puis étendre la couverture géographique du territoire par ces chartes et finaliser d'ici début 2012 l'outil " indice de la biodiversité potentielle forestière " en vue de sa généralisation progressive ;
- intégrer la biodiversité dans l'étiquetage environnemental des produits et soutenir les labels favorables à la biodiversité ;
- instaurer un soutien à la certification environnementale des exploitations agricoles atteignant le niveau 3 de Haute Valeur Environnementale ;
- réaliser d'ici fin 2011 un inventaire des " points noirs " en matière de continuités écologiques et d'infrastructures autoroutières, en relation avec les organisations non gouvernementales et les sociétés concessionnaires, puis bâtir, sur cette base, un plan de restauration de ces continuités avant mi 2012 ;
- et à utiliser l'art comme vecteur pour sensibiliser à l'écologie, en organisant notamment en France la première biennale européenne " arts, ruralités et écologie ".
3- Amélioration de la connaissance en matière de biodiversité et innovation
En outre, pour combler les lacunes en matière d'acquisition et de diffusion de connaissances sur la biodiversité, l'État s'engage à :
- développer l'observatoire de la biodiversité agricole et le recueil de données écologiques en forêt ;
- réaliser en 2011 des atlas de la biodiversité dans les 200 communes sélectionnées en 2010 et lancer un nouvel appel pour sélectionner 200 autres communes, l'objectif étant d'atteindre une couverture de l'ensemble du territoire national à échéance de 15 ans ;
- lancer en 2011 le chantier de réalisation d'une cartographie nationale des habitats à l'échelle du 1/25 000, et poursuivre la cartographie nationale des enjeux de biodiversité remarquable (faune, flore et habitats) ;
- améliorer l'accès aux données sur la nature en renforçant le système d'information sur la nature et les paysages et poursuivre la réflexion concernant la récupération des données issues des études d'impact menées dans le cadre des projets portés par des opérateurs publics et privés.
Par ailleurs, dans le domaine spécifique de la recherche et de l'enseignement, l'État s'engage à :
- maintenir la capacité globale de financement d'appels à projets de recherche sur la biodiversité de l'ensemble des agences et établissements de recherche concernés, en particulier la Fondation pour la recherche sur la biodiversité ;
- créer ou renforcer les très grandes infrastructures de recherche en écologie (écotrons, écoscope, observatoires socio-écosystémiques) ;
- lancer des appels à projets de recherche pour accompagner les appels à projets opérationnels, par exemple " restauration des continuités écologiques des infrastructures de transport " ou " restauration des friches urbaines " ;
- lancer un appel à projets de recherche opérationnelle en outre-mer ciblé sur la biodiversité ;
- produire des ressources pédagogiques validées sur le plan scientifique à destination de l'enseignement et mobiliser les lycées forestiers pour conduire des actions de sensibilisation dans les écoles ;
- et inciter les établissements d'enseignement agricole à s'engager dans des actions innovantes autour de la biodiversité.
L'État souhaite également soutenir l'innovation et mettre à disposition du plus grand nombre de nouvelles techniques ou pratiques et s'engage pour cela à :
- favoriser le développement d'une filière génie écologique performante, dans le cadre du soutien aux filières industrielles stratégiques de l'économie verte, par la mise en place d'un appel à projet " innovation en matière de génie écologique ", par le soutien à la mise en place d'une structure professionnelle du génie écologique et végétal et par l'élaboration d'un guide d'aide à la rédaction de cahiers des charges de travaux de génie écologique à l'attention des maîtres d'ouvrages ;
- soutenir, par un appel à projets, la mise en place d'expérimentations de conservation et d'utilisation durable d'espèces végétales indigènes pour développer des filières locales, afin d'approvisionner les maîtres d'ouvrages de travaux d'aménagement et de restauration.
L'État s'engage également, en vue de permettre une valorisation économique de la biodiversité compatible avec la préservation de la diversité biologique outre-mer, à :
- soutenir les grappes d'entreprise existantes ou nouvelles dans le domaine de la biodiversité ;
- élaborer et diffuser avant fin 2011 un passeport " tourisme et biodiversité en outremer " ;
- mettre en place un groupe de travail pour élaborer, d'ici mi 2012, une proposition pour un cadre juridique national sur l'accès aux ressources génétiques et le partage des avantages découlant de leur utilisation dans la perspective de la ratification par la France du Protocole de Nagoya ;
- et améliorer la connaissance des plantes à usage traditionnel en outre-mer.
4- Usage des sols et action foncière
L'affectation des sols à un usage déterminé joue un rôle critique dans le maintien de la qualité des habitats naturels. Afin de diminuer régulièrement le taux de consommation d'espaces naturels ou agricoles, l'État s'engage donc à :
- étudier la possibilité de mettre en place des servitudes contractuelles ou d'utilité publique pour préserver certaines caractéristiques naturelles de parcelles ;
- et mettre à disposition des collectivités territoriales un nouvel outil dans les plans locaux d'urbanisme : l'espace de continuités écologiques, pour matérialiser la Trame verte et bleue.
5- Redevances, fiscalité et financement
Pour réaliser ce très ambitieux programme de préservation et de restauration de la biodiversité et soutenir les actions sur l'ensemble du territoire national et à l'international, il va bien entendu être nécessaire de disposer progressivement de ressources financières, humaines et techniques accrues. L'État s'engage donc à :
- approfondir le verdissement du droit annuel de francisation des navires de plaisance dans le cadre du projet de loi de finances 2012 conformément aux conclusions du Grenelle de la mer ;
- mettre en chantier d'ici la fin de l'année une réforme des redevances d'occupation du domaine public maritime naturel en vue de les homogénéiser ;
- mener une réflexion sur la fiscalité du patrimoine naturel afin de la rendre plus incitative et propice aux comportements vertueux. Pour cela, une mission de l'Inspection générale des finances et du Conseil général de l'environnement et du développement durable est lancée dès à présent. Elle consultera l'ensemble des acteurs (collectivités, organisations non gouvernementales, acteurs privés) et rendra son rapport d'ici l'automne 2011 ;
- étendre l'utilisation du " 1% paysage et développement " à proximité des infrastructures de transports à des investissements favorables à la biodiversité ;
- et préparer la création en 2012 d'un département " biodiversité " au sein de la fondation du patrimoine permettant de mobiliser le mécénat en faveur de la biodiversité.
6- Gouvernance, suivi et moyens de mise en oeuvre
Enfin, pour assurer une bonne mise en oeuvre de la Stratégie nationale pour la biodiversité, au travers de la mobilisation de tous les acteurs, y compris les citoyens, et un suivi de cette mise en oeuvre, l'État s'engage à :
- co-élaborer avec les régions des stratégies régionales pour la biodiversité d'ici 2014 et développer un centre de ressources permettant d'appuyer l'élaboration des schémas régionaux de cohérence écologique (Trame verte et bleue) ;
- mettre en place la plate-forme d'échange IFREBIOM (Initiative française pour la conservation et la gestion de la biodiversité outre-mer) au premier trimestre 2012 afin de faciliter la mise en oeuvre outre-mer ;
- réformer d'ici 2013 la gouvernance nationale en matière de biodiversité pour la rendre plus lisible et plus simple et approfondir l'hypothèse de la création d'une Agence de la Nature ;
- renforcer les dispositifs d'observatoire, en particulier l'Observatoire national de la biodiversité ;
- soutenir la mutualisation des bonnes pratiques (agricoles, forestières, sports et biodiversité) ;
- mettre en oeuvre régulièrement, conformément à l'objectif n°1 de la Stratégie nationale pour la biodiversité, des campagnes d'information auprès des décideurs et des citoyens sur la biodiversité et les services qu'elle rend et développer des outils opérationnels de sensibilisation ;
- renforcer les moyens humains des services de l'État dans le domaine de la biodiversité par évolution des compétences tant au sein des Directions départementales des territoires (DDT) que des Centres d'études techniques de l'équipement (CETE), et par la mise en place d'une " task force " dédiée à la Stratégie nationale pour la biodiversité au sein de la direction de l'eau et de la biodiversité.
Déjà plus de 140 organisations professionnelles, associations, élus, ONG, syndicats, établissements publics se sont déjà engagés à mettre en place un plan d'actions pour protéger la biodiversité.
Pour accompagner tous les acteurs dans leurs démarches, un guide sera prochainement rédigé. En outre, des indicateurs seront définis pour permettre de suivre et d'évaluer les effets concrets de ces multiples mesures.
Christina Vieira
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