mardi 17 mai 2011

L’alimentation bio est-elle vraiment meilleure pour la santé ?


"Moins de pesticides": vrai ou faux ? "Plus nutriments" : vrai ou faux ? Quels sont les véritables bénéfices d'une alimentation biologique ? Le point avec des "bios" et des "non-bios"

De plus en plus de Français succombent à la vague bio : «moins de pesticides», «plus riche en nutriments»... Le terme bio renvoie à une image de produit naturel et sain !

D’ailleurs, selon le Baromètre 2010 de l’Agence Bio, la principale motivation d’achat pour 91% des consommateurs de produits bio est la préservation de la santé. Pourtant, en 2009, l’Association Française des Diététiciens Nutritionnistes (AFDN) a rappelé que « les bénéfices santé d’une alimentation bio ne sont pas scientifiquement démontrés ».

Questions à Gérard Apfeldorfer, psychiatre
« L’obsession du bio peut confiner au trouble de l’alimentation »
Gérard Apfeldorfer est psychiatre spécialisé dans les troubles du comportement alimentaire, co-fondateur et président du Groupe de réflexion sur l’obésité et le surpoids (GROS).

Dans quelle mesure l'obsession de l'aliment bio peut-elle être considérée comme un trouble du comportement alimentaire ?
L’obsession de l’aliment bio peut devenir un trouble du comportement alimentaire dans le cadre de l’orthorexie. L’orthorexique est obsédé par la pureté de son alimentation et passe au moins deux heures par jour à y penser. Elle pense que son corps est un temple : elle cherche à consommer des produits purs, « parfaits », exempts de pollution et qui permettraient une santé parfaite, une vie longue, qui pourrait confiner à l’immortalité. Evidemment, les orthorexiques mangent bio. Mais attention, tous les consommateurs de bio ne sont pas orthorexiques !

Jusqu'où cette obsession peut-elle aller ?
La paranoïa ! Certains orthorexiques estiment que les industriels de l’agroalimentaire cherchent, avec la complicité des gouvernements, à empoisonner les citoyens, avec des produits malsains et pollués.

L'aliment "pur" existe-t-il ?
L’aliment parfaitement pur n’existe pas. Prenons l’exemple du pain complet. Pourtant riche en sels minéraux, on y trouve davantage de pesticides que dans du pain blanc. L’idéal serait d’acheter du pain complet bio, mais il suffit que l’agriculteur voisin ne soit pas « bio » pour que le pain soit pollué malgré tout. Qu’on ne s’inquiète pas, si la pureté alimentaire n’existe pas, fort heureusement, notre organisme a des moyens de défense et tolère l’imperfection dans une certaine mesure.

Sud Ouest a tenté de démêler le vrai du faux.

1. Les pesticides naturels sont sans danger
Faux. Pour traiter les produits, les agriculteurs bio utilisent des pesticides (aussi appelés produits phytosanitaires) naturels à base de produits d’extraction naturels (roténone, purin d’ortie, pyrètre, spinosad...) « Dire d’un pesticide qu’il est naturel ne signifie pas qu’il est sans danger », reconnaît François Thiery, éleveur bio dans les Vosges et président de l’Agence Bio. « Mais il faut remettre en perspective le décalage de dangerosité entre les produits utilisables en bio et la cohorte des pesticides chimiques qui ont fait leurs preuves quant aux impacts très graves qu'ils portent sur la santé des utilisateurs et des consommateurs », tient-il à préciser.

La plupart des produits phytosanitaires naturels « n’ont pas fait l’objet d’études de toxicité sur l’environnement et la santé aussi approfondies que dans le cas des produits de synthèse. Certains ont même été maintenus à la vente sous le seul prétexte qu’ils étaient utilisés depuis longtemps » affirme Gil Rivière-Wekstein dans le controversé livre "Bio, fausses promesses et vrai marketing", sorti en mars dernier.

La roténone, insecticide principalement utilisé pour lutter contre les mouches en agriculture maraîchère (fruits et légumes), est interdite en Europe depuis octobre 2009 en raison de sa forte toxicité et d’effets cancérigènes. Les agriculteurs bio ont obtenu une dérogation pour l’utiliser jusqu’en octobre 2011. La Fédération Nationale d’Agriculture Biologique (FNAB) confirme ce délai en justifiant : « C’est parce que nous n’avons pas encore trouvé d’autre alternative pour le moment ».

L’huile de neem, utilisée pour chasser les ravageurs en agriculture maraîchère (fruits et légumes) « n’est pas homologuée en France mais certains produits bio qu’on a traités avec peuvent être importés d’autres pays européens dans lesquels elle est autorisée » indique Claude Aubert, ingénieur agronome et pionnier de l’agriculture biologique. « Ce produit est un perturbateur endocrinien c’est-à-dire qu’il agit sur l’équilibre hormonal », précise Gérard Pascal, toxicologue, chercheur à l’Inra et co-auteur de la dernière étude officielle sur la valeur nutritionnelle et sanitaire des aliments issus de l’agriculture biologique.

La FNAB ajoute que c’est comme pour tous les produits, il y a des conséquences en fonction des doses utilisées comme beaucoup d’autres produits ».

2. Les produits bio ne contiennent pas de résidus de pesticides
Faux. A partir des années 50, les agriculteurs sont de plus en plus nombreux à préférer les pesticides de synthèse, considérés comme plus performants que les pesticides naturels. Ils sont fabriqués à partir de composants chimiques. La conséquence ? En France, environ 50 % de fruits et légumes issus de l’agriculture conventionnelle renferment des résidus d’au moins un pesticide. Les aliments bio en contiennent moins mais ne sont pas épargnés, « ce qui est inévitable en raison de la contamination générale de l’environnement », explique Claude Aubert.

Pour lui, « on trouve certainement moins de 10 % de produits bio contenant des résidus de pesticides ». De son côté, Gil Rivière-Wekstein cite une étude de la Direction générale de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes de 2007 concluant à 21% des produits bio avec des résidus. Claude Aubert ajoute que « cette étude est contredite par d’autres études, notamment celle de C. Lu en 2006. Réalisée sur un échantillon de 23 enfants ayant reçu successivement une alimentation conventionnelle durant 3 jours, puis bio pendant 5 jours et à nouveau 7 jours de conventionnelle, elle retrouve environ dix fois moins de pesticides dans les urines quand les enfants mangeaient bio ».

3. L’exposition aux pesticides cause des cancers et autres maladies graves
Vrai. En combinant les résultats d’études scientifiques sur l’impact des pesticides sur la santé (KL Bassil et collaborateurs, Cancer health effects of pesticides, 2007, et M. Sandorn et collaborateurs, Non-cancer health effects of pesticides, 2007) Claude Aubert conclut à « une association positive entre pesticides et cancer dans 73 des 83 études » et une « association positive entre pesticides et problèmes de reproduction dans 43 des 59 études ». « Plus personne ne conteste que l’utilisation des pesticides nuit à la santé des agriculteurs. Est-il moralement acceptable de consommer ces produits sachant cela », s’interroge-t-il.
Pas de preuves. Pour Gérard Pascal, rien ne peut scientifiquement permettre une telle affirmation. Il répète : « Il n’y a aucune preuve scientifique que la multiplication des cancers est liée à l’absorption de résidus de pesticides. » « C’est ainsi que les industriels ont pu affirmer pendant des décennies que le tabac ou l’amiante ne causent pas le cancer… », déplore Claude Aubert.

Une évaluation des risques des produits réalisée par l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) en 1991, (sachant que les doses acceptées sont de plus en plus sévères), montre que les consommateurs ne sont jamais exposés à plus de 5% de la dose journalière admissible de produits phytosanitaires, définie dans un cadre largement international. Dans la plupart des cas, l’exposition est inférieure à 1%, ce qui est 10 000 fois inférieur à la plus faible dose toxique chez l’animal de laboratoire.

Claude Aubert nuance : « selon certains scientifiques, les doses journalières admissibles ont été déterminées sur la base d’expérimentations animales qui ne tenaient pas compte des perturbations hormonales – qui n’avaient pas été mises en évidence à l’époque – sur le fœtus, à des doses qui peuvent être 1000 fois inférieures à celles sans effet sur l’adulte. » Par ailleurs, les scientifiques reconnaissent qu’ils ignorent tout de l’effet cumulatif, dit « effet cocktail », des dizaines pesticides et autres polluants chimiques que nous absorbons chaque jour.

4. Les aliments bio ont une meilleure qualité nutritive que les non bio
Vrai. Certains aliments bio sont légèrement plus riches en vitamine C : le kiwi, la pêche, le raisin, le poivron, l’orange, la pomme de terre et surtout la tomate, affirme le rapport de l’Académie d’Agriculture de France (AAF) qui a réactualisé le rapport de l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (Afssa) de 2003. Idem pour les polyphénols (antioxydants qui ont des effets protecteurs contre diverses pathologies telles que cancer, maladies cardiovasculaires, déficits immunitaires...) dans le kiwi, la poire, le poivron, l’orange, la pomme de terre, le chou, la laitue, la pomme bio, selon le même rapport. Claude Aubert a constitué une revue bibliographique de plusieurs études qui ont montré que les produits bio sont nettement plus riches en oméga 3, les vaches bio mangeant davantage d’herbe. Cette supériorité des produits bio par rapport aux produits non bio n’a pas été confirmée par l’Inra.

Faux. Ils sont légèrement moins riches en caroténoïde (protecteur vis-à-vis du cancer de la prostate) notamment dans la tomate et les fruits rouges, fait remarquer Gérard Pascal.
« Les études comparant les richesses nutritives des aliments bio et conventionnels sont souvent contradictoires. Quoiqu’il en soit les faibles différences de teneur en vitamine C, polyphénols et caroténoïdes n’ont pas d’effet sur les sujets », relativisent Gérard Pascal et le nutritionniste Léon Guéguen dans le rapport de l’AAF.

« Du point de vue de la nutrition il n’y a actuellement aucun élément en faveur du choix des produits bio plutôt que d’aliments produits de manière conventionnelle », confirme le docteur Alain Dangour, auteur d’une étude publiée en 2009 dans le prestigieux American Journal of Clinical Nutrition. « Mais, rétorque Claude Aubert, cette conclusion est totalement biaisée puisque l’étude initiale d’Alain Dangour arrivait à la conclusion inverse. » Des échantillons qui permettaient une conclusion en faveur du bio ont été enlevés de l’étude. « Les échantillons qui ont été retirés ne respectaient pas les conditions expérimentales nécessaires à une comparaison possible entre produits bio et non-bio» répond Gérard Pascal.

5. On ne pourra jamais prouver que manger bio est meilleur pour la santé
Vrai. Pour comparer la composition chimique et la valeur nutritionnelle d’un produit bio et non bio, il faudrait réunir les mêmes conditions expérimentales qui dépendent de la variété, la saison, l’année, la géographie, le climat, le stade de maturité, le stockage, la conduite d’élevage... « Ces facteurs sont souvent plus importants que l’impact des facteurs liés strictement au mode d’agriculture (nature de la fertilisation, des traitements sanitaires, …) qui vont faire qu’on obtient ou non le label Bio », précise Gérard Pascal. Mais il admet qu’ « on ne trouvera peut-être jamais de réponse scientifique ».
Faux. Selon Claude Aubert « on ne s’est pas donné les moyens de prouver scientifiquement que le bio est meilleur pour la santé. »
Ni pire, ni mieux, aucune preuve scientifique n’a, pour l’instant, déterminé si un produit bio était meilleur pour la santé qu’un autre. Ce qui est sûre, c’est que la vocation première de l’agriculture biologique, reconnue par les protagonistes officiels, est la préservation de l’environnement.

« L’agriculture biologique a une obligation de moyens mais pas de résultats concernant les qualités nutritionnelles, sanitaires et gustatives de ses produits », notent les experts de l’Inra.

Cependant, en utilisant des pesticides naturels, rapidement dégradés contrairement aux produits phytosanitaires de synthèse, on trouve moins de résidus dans la nature et donc moins dans les aliments.

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